Pourquoi la sororité est-elle un levier d'égalité ?

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Cela ne vous a pas échappé, voici que réapparait le mot « sororité » dans nos débats enflammés. La sororité a gagné en popularité ces dernières années en raison de plusieurs facteurs. Tout d'abord, l'émergence de mouvements féministes tels que #MeToo et #NiUnaMenos a renforcé la solidarité entre les femmes et a encouragé le partage d'expériences personnelles liées au sexisme, à la discrimination et à la violence. En outre, les réseaux sociaux ont facilité la diffusion de ces idées et ont permis à un public plus large de s'engager dans ces conversations.
Dans le sillage des mouvements de libération de la parole sur les violences faites aux femmes, la sororité fait son retour sur le devant de la scène, jusqu’à devenir un slogan inspiré de notre devise républicaine : « liberté, égalité, sororité ». Si la sororité peut être définie comme une expression de la solidarité féminine, pourquoi suscite-t-elle tant d’emballement ces derniers temps ? Pourquoi la sororité revient-elle aujourd’hui dans nos discours sur l’égalité entre les femmes et les hommes ? Allant même jusqu’à y être présentée comme une menace héritée d’un autre temps… À n’en pas douter, la sororité est un héritage ; celui de la lutte des femmes pour leurs droits. Mais comprenons-nous bien ! La sororité n’invite pas à l’exclusion d’un genre au profit de l’autre. Elle traduit la volonté d’œuvrer solidairement et de rassembler autour de la cause des femmes les forces de chacune. Pour autant, comme tout concept, la sororité n’échappe pas à ses dérives, qu’il est important de comprendre et de dénoncer. Alors, OUI à la sororité bien comprise ! Explications.
 
La sororité est née de la lutte des femmes pour l’égalité entre les genres
 
Pour comprendre ce qu’est la sororité et ce qu’elle porte en elle, il faut revenir à ses origines. Revenir au temps des premiers « sursauts féministes », le temps où les femmes se sont emparées de leur destinée, refusant d’être dépourvues des mêmes droits et libertés que les hommes. C’est au Moyen-âge que le terme de sororité apparait pour désigner des communautés de femmes rassemblées pour échapper à leur condition et s’inventer des voies d’émancipation et d’ assumation . C’est ainsi qu’au XIIe siècle le mouvement des « béguines » milite pour échapper au (re) mariage imposé par les familles et rassemble une communauté de femmes (veuves pour la plupart) revendiquant un espace de liberté. Force est de constater que les luttes des femmes pour plus d’égalité se sont toujours appuyées sur des collectifs de femmes. La raison ? L’union fait la force ! Impossible de lutter seules, surtout lorsqu’il s’agit de remettre en cause la domination masculine, me direz-vous ;). Notre histoire est façonnée de victoires acquises au terme de combats passionnés, parfois violents, portés par des groupes de femmes réunies autour d’une seule et même cause : faire progresser la condition des femmes. Les suffragettes anglaises, les Femen, le MLF ou plus récemment les mouvements inspirés du #MeToo… pour ne citer qu’eux. Sans oublier toutes les communautés ou autres associations dont les combats plus discrets sont tout aussi efficaces. La sororité est née d’une intuition : celle de la nécessité de se rassembler pour y puiser des soutiens, du courage… et des idées. «  sisterhood   is   powerful  » (« la sororité donne du pouvoir ») fut d’ailleurs un slogan puissant des années 70, insufflé  par l’autrice et l'activiste Kate Millet. S’unir pour faire face également. Faire face ensemble aux hostilités, voire aux persécutions, dont furent et sont victimes, ces femmes qui revendiquent. Les procès en hérésie, les condamnations, les intimidations… La sororité est donc intimement liée au combat des femmes pour leurs droits. Elle fait référence à la force du collectif, elle parle à notre instinct de survie : la force du groupe. La sororité serait le fruit de l’expérience de la violence. Pas seulement.
2 femmes et un homme derrière leurs ordinateurs
La solidarité féminine renforce la capacité d'émancipation des femmes ​
 
La sororité c’est aussi un concept, un concept de solidarité. Une solidarité au féminin   que certains assimilent à son pendant masculin : la fraternité.   Du latin  soror , qui signifie sœur ou cousine, la sororité veut  unir les femmes sous une même bannière, au-delà des dissensions,  pour lutter ensemble. Ainsi comprise, la sororité marque l’émergence d’un "NOUS LES FEMMES". Elle affirme l’existence d’une condition  commune aux femmes  et d’une solidarité inhérente : cette solidarité de femmes voulant progresser avec leurs consœurs et avec la société tout entière. C’est aussi e ntre sœurs  que  se joue la construction de son identité  de  femme « Les femmes ont besoin de se retrouver entre elles, pas parce qu’elles sont toutes pareilles, mais parce qu’elles traversent des épreuves qui sont similaires et qui sont dues à ce  système pensé pour les hommes » explique Carole Michelon.  L’effet miroir, permet la prise de conscience que d’autres femmes sont empreintes des mêmes freins, qu’elles subissent les mêmes injustices que soi. Pour la journaliste et essayiste Mona Chollet : « Il y a quelque chose d'euphorisant, de galvanisant à faire ainsi tomber les murs entre des expériences isolées ».   Ce simple acte de se réunir autour de ses points communs définit la sororité. En permettant une prise de conscience collective, on donne les armes intellectuelles pour combattre les inégalités, en  offrant  un espace d’échange bienveillant, en inspirant celles qui seraient encore hésitantes. C’est aussi par ce biais que la condition de la femme est affirmé e , sortie de son invisibilité.  Un autre bénéfice éprouvé de  cette solidarité  entre femmes,  est qu’ elle perme t aux femmes de faire alliance  contre les stéréotypes et le  sexisme ordinaire .   Les   récents  mouvements #MeToo   renforce nt la  capacité d'émancipation des femmes , appelant à l’union et à la reconnaissance des souffrances de nos sœurs .  
 
La solidarité féminine n’induit pas la non-mixité
 
Nous y voilà ! En trame de fonds des débats sur la sororité, se taire une crainte collective :  celle  d e voir l’humanité séparée par  le  critère du genre , revenant  à opposer femmes et hommes et à rompre avec le principe de la mixité aujo urd’hui largement plébiscité L ’enjeu n’est pas d’ouvrir une compétition, sinon une  guerre des sexes. Mais alors me direz-vous, une  question reste en suspens : celle du besoin de « non mixité » dans certains espaces et dans certains moments de la vie des femmes et des hommes , faisant référence notamment au x  réseaux de femmes.  Pour la trancher, il faut s’en re mettre à un certain pragmatisme. I l s’avère que des expériences temporaires de non-mixité sont  efficientes  pour lever des freins.  Pourquoi ?  Parce que les femmes portent en elles  des freins que les hommes n’ont pas  (et inversement d’ailleurs). Dans ces conditions, un espace dédié aux femmes permettra une meilleure libération de la parole, tout comme  un accompagnement spécifique  de leur carrière permettra la prise en compte de freins qui leurs sont propres :  
  • des freins liés à l’éducation (soit parfaite) ; 
  • des freins liés aux stéréotypes de genres (l’ambition est une caractéristique masculine) ; 
  • et des freins socioculturels (la femme, mère de famille).  
Pour clore la question des espaces de non - mixité, il apparait important d’ajouter que ces espaces  « n’ont d’intérêt que parce que la société est telle qu’elle est. Si on était vraiment dans le monde de l’inclusion on n’en aurait pas besoin », analyse Carole Michelon , autrice de plusieurs ouvrages sur  les réseaux féminins professionnels et co-fondatrice de Me&YouToo .    
 
La sororité est une exigence de conduite des femmes les unes vis-à-vis des autres 
  femmes solidaires sororité
La sororité  a  évolué  notamment sous l’influence des mouvements #MeToo,  allant pour certains jusqu’à  jeter les bases d’une révolution,  voire  d’une quatrième vague du féminisme .  Désormais, la sororité  c’est faire de la considération  et  de l’entraide la fondation des interactions féminines. Quoi de neuf ? Il s’agit de mettre un terme au  stéréotype de la « reine des abeilles »   (entre autres clichés sur les relations des femmes entre elles)  et d’en finir avec les rivalités féminines à l’image du «  Diable s'habille en Prada  ».  Avec le  #MoiAussi , toutes les femmes se sont senties concernées par  toutes ces  injustices  dénoncées des plus  anodines  aux plus  violentes  : d e la gêne, au détour d'une remarque sexiste, au viol, en passant par l’insistance d’un regard   non désiré  sur  son  corps Toutes ont vécu l’expérience  de la domination masculine  dénoncée au travers de ces hashtags , brandis tels des étendards d’une révolution.  Une  révolution  qui passe par une exigence de conduite des femmes les unes vis-à-vis des autres  : celle de l’absence de toute rivalité, celle du soutien inconditionné. « Témoigner dans ce procès, qui met en accusation des femmes qui ont pris la parole pour dénoncer des agressions sexuelles, relevait de mon devoir de femme » affirmait récemment Cécile Duflot.  Lauren Bastide, créatrice du podcast La Poudre  soulignait ainsi la puissance de cette sororité  « si nous, pour compenser, on se tendait toute la main ? Imaginez comme tout changerait. Imaginez, deux secondes, le pouvoir qu’on aurait  » . Avec les  #MeToo , la sororité s’est affichée comme une attitude, que  Chloé  Delaume  résume ainsi : « Ne jamais nuire volontairement à une femme. Ne jamais critiquer publiquement une femme, ne jamais provoquer le mépris envers une femme » (Extrait de « Mes bien chères sœurs »).   
La sororité est un héritage qui s’est adapté au fil des années pour accompagner la lutte en faveur de l’égalité des sexes. Elle s’accorde aujourd’hui un nouveau souffle en bannissant toute notion de division. En cela, la sororité serait, pourquoi pas, « l'avenir de l'égalité », comme le suggère Anne-Sarah Moalic , historienne et chercheuse spécialiste de la question du droit de vote des femmes en France. Bien loin des guerres de sexes, elle appelle l’union. C’est collectivement que nous serons efficaces, nous toutes et tous, en conscience. Avoir conscience de ses freins , de ses propres stéréotypes, lutter pour promouvoir l’inclusion. N’hésitez pas à nous  contacter  pour être accompagné dans la mise en place d’actions en faveur de l’égalité des genres et soutenir la sororité au sein de votre entreprise ;).   
Carole Michelon

Carole Michelon a fondé sa 1ère entreprise consacrée à la mixité en entreprise en 2010 puis créé en 2017, The Big Factory, qui accompagne les entreprises dans leur transformation culturelle. En 2018 elle co-fonde avec Inès Dauvergne, Me&YouToo, qui permet aux entreprises de sensibiliser, former, engager et mesurer la diversité et l'inclusion. Modjo: changer le monde et en bien !