Le Référent Harcèlement Employeur, un précieux allié

Picture of Soraya Khadir
 
Ne mettez pas de jupe vous êtes trop grosse pour ça
Depuis quelques années, les témoignages de violences sexistes et sexuelles se multiplient, portés par des hashtags libératoires. Dans le même temps, le législateur a durci le ton. Il s’est doté d’un cadre restrictif et contraignant pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes de manière générale et plus spécifiquement dans l’enceinte de l’entreprise. L’objectif est de garantir aux femmes et aux hommes, un cadre de travail respectueux de leurs droits et de leur intégrité. Il s’agit également de prévenir des comportements dégradants, offensants ou humiliants. Parmi ces dispositifs, la loi du 5 septembre 2018 dite « Loi Avenir » a introduit dans les entreprises 2 référents harcèlement sexuel et agissements sexistes. Un référent, nommé par le CSE dans les entreprises d’au moins 11 salariés et un autre, désigné par l’employeur, dans les entreprises d’au moins 250 salariés. Le rôle de ces référents harcèlement est : « d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ». Le décret n° 2019-15 précise que ces référents doivent pouvoir bénéficier de la formation nécessaire à l’exercice de leurs missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Toutefois, les marges de manœuvre du référent employeur et celles du référent CSE ne sont pas les mêmes. En effet, si les marges de manœuvre du référent CSE sont étroitement liées à celles de son mandat, celles du référent employeur sont, en revanche, plus floues. C’est à l’employeur de définir et de prévoir la feuille de route et les moyens d’action qui seront mis à disposition de son référent. Pour l’employeur l’enjeu est de taille : il ne s’agit pas seulement de répondre à une obligation légale, mais bien plus de se doter d’un précieux allié dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail. Zoom sur ce Référent Harcèlement désigné par l'Employeur.
 
L’Employeur désigne son référent harcèlement parmi ses collaborateurs  

Qui désigner comme Référent Harcèlement Employeur ? C’est la première étape et pas des moindres ! À qui confier le rôle de référent harcèlement ? Le référent employeur doit-il être obligatoirement un membre du service RH ? La réponse est non, pas nécessairement. Le législateur laisse à l’employeur la liberté de choisir son référent parmi ses salariés. C’est à lui d’identifier quel sera le meilleur interlocuteur pour tenir ce rôle. Voici quelques critères à prendre en compte :
 
Le référent est accessible : il est l’interlocuteur privilégié des salariés sur les problématiques de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes. Ses coordonnées font d’ailleurs l’objet d’une communication dans l’entreprise (par voie d’affichage ou tout autre moyen). C’est un collaborateur à l’écoute, capable d’empathie et qui fait preuve de disponibilité. Il accueille avec bienveillance, reformule et questionne des faits.
 
Le référent harcèlement est ancré dans la vie de l'entreprise. En effet, il est celui qui guide dans un univers méconnu et souvent flou pour les différents acteurs de l’entreprise.
Quelle est la démarche ? Quelles seront les étapes ? Comment investiguer ? Le référent navigue et fait le lien entre le médecin du travail, la ligne managériale, la fonction RH, le CSE, qui ont chacun des prérogatives et un rôle à jouer dans le processus de prévention. Le référent est un collaborateur qui travaille en collaboration. 
 
C’est un collaborateur investi et sensible au sujet de violences sexistes et sexuelles. Cela va sans dire, mais c’est toujours mieux de le dire. N’oublions pas que le référent est tout autant celui qui est, que celui qui fait. Pour preuve, le législateur lui confie les missions d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés. 3 verbes d’action pour affirmer une posture bien loin d’un simple affichage et un rôle qui n’a rien de superficiel.
 
Une ou un référent ? L’essentiel est d’identifier un collaborateur impliqué sur le sujet, peu importe son genre. Il peut d’ailleurs être intéressant de nommer des binômes de référents femme-homme.
 
1 ou plusieurs référents employeur ? C’est une question intéressante à se poser. La loi impose un minimum d’1 référent employeur mais, l'entreprise peut aller au-delà. Ainsi, par exemple, de nombreuses grandes entreprises font le choix de désigner un référent par établissement ou par entité afin de privilégier la relation de proximité. D'autres, préféreront désigner une personne référente pour permettre une prise de distance et un traitement hors de l'environnement proche.

Le référent harcèlement : un expert des notions et des situations de violences sexistes et sexuelles 
homme qui serre la main à une femme

Pour accomplir ses missions, le référent harcèlement doit maîtriser les différentes notions de violences sexistes et sexuelles : sexisme, harcèlement discriminatoire, harcèlement sexuel, agression sexuelle et autres violences à caractère sexuel et comprendre que les stéréotypes sont à la racine de la plupart des agissements sexistes. À noter que plusieurs formes de violences peuvent se cumuler. Le référent doit être capable de qualifier chaque situation. Force est de constater que l’expression « harcèlement sexuel » est parfois indûment employée en lieu et place d’une pluralité de violences sexuelles. Or, la qualification de la situation est essentielle ; chacune relevant d’un cadre juridique bien défini. Ainsi on parlera :

  • D’agissements sexistes : couvrant les situations allant du sexisme ordinaire au sexisme hostile
  • De harcèlement sexuel : en distinguant 2 types de harcèlement
  • De harcèlement sexuel d’ambiance : caractérisé par une situation où « sans être directement visée, la victime subit des provocations et blagues obscènes ou vulgaires qui lui deviennent insupportables »
  • D’outrage sexiste 
  • D’agression sexuelle
  • Et autres violences à caractère sexuel comme l’injure, la diffusion de messages contraire à la décence (la pornographie), l’exhibition sexuelle, le cyber-harcèlement…

Maîtriser ces notions est indispensable pour savoir détecter les situations à risques. Certes. Mais, le référent harcèlement doit également comprendre comment les mécanismes de violences sexistes et sexuelles fonctionnent, tant au niveau individuel que collectif. Il doit connaître le processus de dégradation et savoir identifier les différentes étapes pour agir le plus en amont possible. C’est à cette seule condition qu’il pourra œuvrer utilement à déconstruire et prévenir la survenance de faits de harcèlement ou de violences à caractère sexuel. L’action du référent se conçoit à toutes les étapes du processus, en commençant par la lutte contre les stéréotypes de genre, terreau culturel de la domination et des violences sexistes. Il nous paraît indispensable de proposer au référent employeur une formation dédiée.


Le référent harcèlement : précieux allié de l’employeur dans la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes
 
La prévention et la gestion des risques de violences sexistes et sexuelles restent du ressort de l'employeur. L’employeur est garant du respect de la législation et un acteur engagé dans la lutte au titre de son obligation de sécurité. La désignation d’un référent ne le dédouane en rien, elle lui permet au contraire de multiplier les opportunités d'action et de bénéficier d’un allié qualifié et identifié dans son entreprise. Le référent a pour rôle « d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ». À ce titre, le référent harcèlement participe au déploiement de la politique définie par la Direction pour lutter contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Il peut aussi être force de proposition. Voici quelques-unes des actions de prévention qu’il est opportun de confier au référent harcèlement :
  • Communiquer, informer, instruire : il s’agit de sensibiliser les salariés en leur apportant la connaissance et l’éclairage nécessaire pour leur permettre d’adopter la bonne posture. Dans cet objectif, de nombreux outils peuvent être envisagés : l’élaboration de charte (charte des valeurs, charte du comportement), d’un code de bonne conduite qui définirait clairement les actes prohibés, la diffusion d’informations relatives au harcèlement sexuel et agissements sexistes (des infographies, des affiches, des e-learning...), etc.
  • De la prévention descendante à la prise de conscience individuelle : « Aucun signalement n’a été reçu » ; « Le harcèlement sexuel, pas de ça chez nous ». Voilà bien souvent les réactions des salariés et managers quand on leur parle de harcèlement sexuel. Pourtant, aucune entreprise ne saurait se sentir à l’abri de comportements dont les enquêtes et les récentes mobilisations montrent la prégnance. C’est au contraire le déni et le silence qui favorisent les actes de harcèlement sexuel. Un déni parfois totalement inconscient. Voici une action essentielle à mener : sensibiliser l’ensemble des salariées pour permettre une prise de conscience individuelle. Chacun doit se sentir concerné par le harcèlement sexuel au travail, comme garant d’un collectif de travail sain et solidaire. Une bonne manière de provoquer cette prise de conscience est l’autodiagnostic. Me&YouToo propose une application qui permet de se tester sur un certain nombre de situations qui relèvent du sexisme ou du harcèlement sexuel au travail et d’obtenir son profil : banalisation des agissements et auteur potentiel, minimisation et témoin passif ou identification et recadrage. Des résultats qui pourraient en surprendre plus d’un et susciter une prise de conscience ! 
  • Cibler certaines populations : en effet, certaines problématiques sont propres à certaines populations. Ainsi, la création des réseaux de femmes permet, entre autres, de libérer la parole et d’œuvrer en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. La population des managers est également intéressante à cibler pour leur permettre de mieux appréhender et détecter les signaux, mais aussi pour en faire des ambassadeurs, porteurs des messages de prévention et de posture. Les populations particulièrement fragiles sont aussi à cibler, comme les nouveaux embauchés ou les salariés en contrats précaires (CDD, stage, alternance, intérim).
  • Proposer des actions adaptées au contexte de l’entreprise : certains comportements peuvent être présents dans l'entreprise depuis des années ou parfois même faire partie de sa culture. Le rôle du référent devra alors s’inscrire dans une démarche plus globale d’accompagnement au changement avec l’élaboration d’un plan d’action adapté au niveau de maturité de l’entreprise sur les sujets de violences sexistes et sexuelles.


Le référent harcèlement désigné par l’employeur gère les alertes et prend en charge les plaintes des salarié·e·s

Le constat reste accablant : une hausse de 46 % des plaintes pour harcèlement sexuel en 2019 (2ème état des lieux du sexisme en France) et une hausse des contentieux en matière de harcèlement sexuel et d'agissements sexistes. Par ailleurs, en matière de harcèlement, de santé et de sécurité au travail, la jurisprudence a posé une obligation de moyen renforcée. Que les faits dénoncés par le salarié soient crédibles ou non, qu'il existe ou non des éléments tangibles, dès lors qu’il en est informé, l'employeur doit agir, investiguer et prendre les mesures nécessaires à faire cesser le trouble. Dans ce contexte, le référent harcèlement a un rôle majeur à jouer : 

  • Déployer un dispositif de signalement réactif et efficace : il est primordial pour l’entreprise de se doter de procédures internes visant à favoriser le signalement et le traitement des cas de harcèlement sexuel. Le référent harcèlement est le garant de la mise en œuvre et du respect de ces procédures. 
  • Recueillir les signalements et s’assurer du traitement de la situation. Le référent employeur reçoit les salariés qui le saisissent pour des faits de sexismes ou de harcèlement sexuel. Il accompagne les différents acteurs et plus particulièrement la victime présumée, en lui apportant son aide dans la constitution de son dossier. Le référent peut-être chargé de l’enquête mais ce n'est pas toujours le cas. Il transmet alors les signalements à la ligne RH ou managériale qui diligenteront une enquête interne. Menée en toute neutralité, cette enquête a pour objectif de recueillir le maximum d’éléments. Les thèmes abordés lors de l’enquête portent sur le travail (contenu et tâches demandées), son organisation, l’environnement de travail, la communication et le management. Les résultats de l’enquête devront être présentés de manière factuelle et exhaustive et pourront être transmis au référent.
  • Orienter et accompagner. Le référent oriente les salariés vers le bon interlocuteur : le médecin du travail, l'inspecteur du travail, le Défenseur des droits...À noter que si la personne souhaite garder la situation confidentielle, il conviendra de l’orienter vers un professionnel de santé qui pourra relayer son témoignage dans le cadre du secret médical. 
  • Protéger : le référent vérifie que la personne plaignante dispose d’un réseau de soutien suffisant. Cet accompagnement ne doit pas prendre fin à l’issue de la procédure mais, se poursuivre dans le temps avec la mise en place d’un suivi spécifique.
  • Activer la cellule d’écoute : compte tenu des difficultés psychologiques réelles que rencontrent les victimes de harcèlement sexuel, cette cellule peut être d’une grande utilité dans le cas d’une plainte déposée par un·e salarié·e. Réunissant différents acteurs de l’entreprise, la cellule d’écoute permet de rompre l’isolement des victimes et de rechercher collectivement une solution. Le référent pourra activer cette cellule lorsque la situation réunit certains critères définis en amont. 

Prévenir le harcèlement sexuel en entreprise implique de travailler sur la culture de l’entreprise pour rendre clairement inacceptables les propos et comportements sexistes et les violences sexuelles. Ce travail nécessite l’implication de toutes les parties prenantes de l’entreprise. Le référent Harcèlement est un allié supplémentaire. Avez-vous désigné et formé votre référent harcèlement ? N’hésitez pas à prendre contact avec notre équipe pour vous accompagner dans cette démarche. 
Soraya Khadir

Experte sur les questions d’inclusion et de diversité en milieu professionnel. Consultante et formatrice depuis plus de 15 ans, elle accompagne tous les publics de l’entreprise à la prise en compte de la diversité et de l’inclusion dans les pratiques professionnelles. Elle a participé aux programmes de recherche-action sur les stéréotypes conduits par le réseau Lepc (ex IMS) et a conçu et animé des formations sur la prise en compte de la diversité en milieu professionnel auprès d’entreprises privées de tous secteurs, de collectivités et de Ministères, pour des publics variés : managers, RH, CODIR, COMEX et collaborateurs.